Qui suis-je?

Judicael Zaubitzer
Judicael Zaubitzer


Je m’appelle Judicael Zaubitzer. 
C’est tout un programme comme nom et prénom. Il faut près de la moitié des lettres de l’alphabet pour l’écrire.
Les lettres, ça m’intéresse. Les livres aussi.
J’ai grandi dans les livres.
Dans la bibliothèque de ma vie, il y a posé sur la première étagère mon livre qui commence le 8 mai 1985. Il est appuyé sur le livre de ma mère. Dans le livre de ma mère, j’ai appris qu’on pouvait peindre des personnages sur les murs, qu’on pouvait changer de maison régulièrement en changeant souvent les meubles de place, et j’ai appris que la peinture, le dessin, les mots, la couture et le bricolage dans l’atelier, ça peut apaiser les peurs-monstres et les souffrances censurées qui gémissent dans le vieux grenier du passé. Dans le livre de mes parents, j’ai lu la violence du monde qu’ils avaient du traverser pour en arriver à être mes parents.

Dans le livre de mon père, j’ai appris la puissance, l’héroïsme et la mort. La mort qui laisse à mes huit ans, le fantôme de mon père dans mes nuits et un trou béant dans l’ordre des choses établies.
Dans le livre de mes frères et sœur, je suis l’aînée. On est cinq. Le plus petit a juste trois mois quand Papa meurt. J’aide Maman comme je peux.
Dans le livre de l‘adolescence, au delà du bordel, il y a l’amour et les amoureux, la philosophie et les romans policiers qui font très peur le soir avant de s’endormir.


Un jour, j’ai 19 ans. Je rentre dans l’incroyable et bouleversante université universelle de la parentalité. Dès l’annonce de l’heureux événement, je consulte une psychologue, je lis des manuels de pédagogies, de couple, de nutrition, de gestion des émotions, de spiritualité, je mets en pratique, je pleure, je déconstruis et j’apprends à m’aimer.
Un autre jour, quatre enfants plus tard, j’ai 33 ans. Là, je réalise que ça ne va plus. Je prends mon envol. Je quitte l’homme de mes 17 ans. Je deviens mienne, complètement mienne, sous ma propre autorité, de ma propre décision à moi, avec mes petits poussins sous le bras. J’écris, je peins, j’apprends à exister dans le monde par moi-même, j’apprends à conduire, à faire confiance à ce qui murmure en moi, j’apprends la liberté, je me rappelle à mon corps de femme et j’apprend à poser mes limites.
Aujourd’hui, je continue de m’explorer en explorant le monde. Je spectacle avec ce qui s’écrit. Des aventures de l’aventure de la vie, je remplie les pages de mon livre de vie.

Note: dans le livre de ma mère, il y avait aussi la honte de sa dyslexie et dysorthographie. Une honte si profonde, qu’elle ne se sentait pas digne de partager ces écrits.
Dans mes textes se baladent toujours des fautes en tout genre. Au nom de la lutte contre l’extrémisme qui parfois nous habite et nous empêche d’ouvrir nos oreilles à l’humain qui s’exprime plutôt qu’à la juste forme d’expression, je les laissent tranquillement faire leur vie.